Grève de sauvages

Alors que mon billet d’avant-hier1 vient de faire un petit buzz, j’ai été interpellé par quelques copains qui désiraient avoir mon opinion vis-à-vis des syndicats et du combat syndical. Évidemment que le ton utilisé était celui du pamphlet et l’exploitation de clichés était volontaire et calculée. Je pense être un profond démocrate, mais j’estime que les moyens utilisés par ceux qui nous défendent sont complètement démodés pour 2016.

Sincèrement, je me suis demandé si je n’avais pas été un peu fort. J’avoue que je me suis bien marré durant l’écriture de la bafouille. Ensuite, que s’est-il passé? 60.000 personnes ont défilé relativement dans le calme et ne m’ont pas spécialement dérangé. J’ai pu aller à l’ULB et bosser sur mes examens comme je le voulais. Et puis, ça y est, grâce aux habitudes ancestrales et structurelles des syndicats, les « casseurs » se sont attaqués au bien commun, un homme en charge de la sécurité des citoyens s’est lâchement fait attaquer par derrière et nous avons droit à une grève sauvage sur les rails deux jours plus tard.

Alors quoi? Nous devrions être contents? Nous devrions répondre à ce genre de réflexion, je cite : « Les contre-grévistes ont-ils des couilles ou le sens de la solidarité? » Sommes nous obligés de vous féliciter? Et bien non, certainement pas. Rien, mais absolument rien ne justifie de nous bloquer sur les quais. Nous choisissons d’aller travailler et nous avons l’impression que vous voulez nous punir pour cela. Vous n’étiez que 60.000 hier, c’est cela votre problème?

Est-ce que seulement vous savez pourquoi vous défilez? Quelles sont vos revendications? La semaine des 45 heures? C’est vraiment nous prendre pour des cons. Nous avons tous très bien compris deux choses, la première est que vous déformez les propos de la loi Peeters et la deuxième est que vos « amis » du PS et du CDH ne sont pas au pouvoir, que cela vous enrage que certains électeurs ne pensent pas comme vous.

Depuis l’arrivée du gouvernement kamikaze, les mouvements syndicaux ne font que répondre au grand Seigneur Di Rupo : « Nous ou le chaos ». Bravo, les camarades! Félicitations! La seule chose que vous réussissez à faire, c’est de vous faire encore plus détester. Certains d’entre nous, comme moi, pensons que ce qui permet d’avancer et de sortir de la crise passe par l’éducation et les formations. Par exemple, les études.

Et vous? Non seulement vous faites chier les travailleurs, mais en plus, vous vous démerdez pour ajouter du stress à tous les étudiants qui essaient tant bien que mal de s’en sortir. C’est vrai que leur diplôme ne leur donne plus accès au travail aussi facilement qu’avant. Mais est-ce votre rôle de les faire échouer dans cette tentative? Ou êtes vous plutôt dans la lecture stricte du Marxisme et sa destruction de l’élite intellectuelle?

Je ne me sens pas solidaire de vous, bien au contraire. Par contre, d’une certaine manière, je pourrais être solidaire de votre combat, mais je vous pose ces questions : où étiez vous quand votre grand timonier Di Rupo a fait passer les lois sur la déchéance des droits des chômeurs? Où étiez vous quand Magnette a balayé d’un revers de la main les recommandations faites par la table ronde sur les pensions? Où étiez vous lors des négociations du pacte d’excellence?

Mais allons plus loin: avez vous remarqué, chers manifestants, que les lois françaises, belges, allemandes et italiennes sur les réformes du travail se ressemblent étrangement. Cela ne vous dit rien? Et le TTIP? En 2016, vous n’avez toujours pas compris que les combats ne se mènent plus au niveau de la rue par rapport à des gouvernements locaux, mais au niveau du lobbying des instances européennes. COREPER, vous connaissez?2

Chaque combat qui a été gagné au niveau européen l’a été grâce aux citoyens et sans vous, les syndicats, c’est bien ce que je vous reproche. ACTA, l’ancêtre du TTIP a été recalé grâce, entre autres, à la Quadrature du net et le parti Pirate. L’autorisation du glyphosate est en passe de ne pas être renouvelé grâce au lobbying citoyen auprès des europarlementaires et des pétitions adressées aux États qui n’en veulent plus, comme les Pays-Bas. #PanamaPapers #Wikileaks #Snowden #NuitDebout ? Tout cela c’est sans vous.

Oui, je fais partie de ceux qui vont étudier demain. Oui, j’estime avoir de la chance d’avoir du travail, mais oui, je me bats chaque jour pour l’avoir. Je me bats, mais sans écraser les autres. Oui, je suis pour la flexibilité du travail et j’espère travailler un peu moins, probablement en gagnant moins. Oui, je me forme pour rester à la pointe de mon métier. Oui, je me sens solidaire. Oui, je suis engagé politiquement.

Mais non, OH NON, je ne comprends pas votre combat et votre passion à nous faire chier, nous, qui irons bosser demain. Pour moi, votre grève non annoncée n’est pas une grève sauvage, mais bien une grève de sauvages. Un combat arriéré du 19e siècle, alors que nous sommes au 21e. Comment voudriez-vous que je sois solidaire avec vous? Peut-être devrais-je relire le manifeste du parti communiste et me rendre compte que je ne suis qu’un bourgeois et que quoiqu’il arrive, vous voulez la révolution permanente?

Une révolution, cela crée de l’emploi ou c’est sauvage? Je vous le demande.

  1. https://www.dreamsandmoods.be/les-contre-grevistes-ont-ils-des-droits/ []
  2. Le Comité des représentants permanents ou Coreper (article 240 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne) est chargé de préparer les travaux du Conseil de l’Union européenne. Il est composé des représentants des pays membres de l’UE ayant rang d’ambassadeurs auprès de l’Union européenne et est présidé par le pays de l’UE qui assure la présidence du Conseil. []

0 thoughts on “Grève de sauvages

  • Ping : Les contre-grévistes ont-ils des droits? - Dreamsandmoods

  • 26 mai 2016 à 10 h 02 min
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    « les mouvements syndicaux ne font que répondre au grand Seigneur Di Rupo »
    « où étiez vous quand votre grand timonier Di Rupo a fait… »
    Alors pour rappel: gouvernement Di Rupo , du 6 décembre 2011 au 11 octobre 2014
    Et là t’as la liste des manifs en front commun pendant que Di Rupo dirigeait le pays: http://www.fgtb.be/web/guest/historique-du-front-commun

    ça répond à ta question ?

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    • 26 mai 2016 à 10 h 31 min
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      Oui, cela répond à ma question et montre la différence de mouvements sociaux lorsque Di Rupo était au pouvoir avec celui de Michel. D’un autre sens, cela démontre un manque de pouvoir dans les actions. Alors que la FGTB est proche du PS, elle est incapable d’influencer sur les décisions politiques. Les syndicats n’ont toujours pas assimilé le fait que les mouvements dans la rue sont vus par les gouvernements d’un oeil désinvolte « cela va se calmer… » La table ronde sur les pensions était intéressante à plus d’un titre, car de nombreux acteurs étaient autour de la table: les patrons, les syndicats, les chercheurs… Et Magnette a jeté le projet aux oubliettes par « dogmatisme ». Lorsque je vois le calendrier et les thèmes, je vois les petites excursions trimestrielles pour rappeler au gouvernement que les syndicats sont là sur des sujets aussi vagues que la politique économique ou l’emploi. Nous ne sommes plus dans un paradigme d’acquisition de droits futurs et de libéralisme dans le sens innovateur, mais dans une lutte pour garder le pouvoir grâce au clientélisme aussi bien au sein des syndicats que des partis politiques. Je reviendrai dans un prochain billet sur ce que j’imagine comme mouvements sociaux du futur.

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      • 26 mai 2016 à 10 h 53 min
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        Je te rejoins sur de nombreux points, je suis en fort désaccord sur d’autres, mais je ne vais pas en débattre; d’une part tu es clairement beaucoup plus informé que je ne le suis et même si j’avais le temps de faire de longue recherches, tu garderais certainement plusieurs longueurs d’avance, d’autre part nos positions politiques « de base » sont assez éloignées et je ne crois pas qu’aucun de nous pourra convaincre l’autre.
        Je voulais juste souligner que prétendre que les syndicats sont à la botte du PS est faux… les syndicats (en dehors de leurs propres intérêts) défendent les travailleurs. quand un gouvernement de gauche maltraite les travailleurs, les syndicats sont dans la rue. quand un gouvernement de droite maltraite encore plus les travailleurs, les syndicats sont encore plus [souvent] dans la rue… c’est assez logique.
        (que la méthode soit bonne ou pas n’est pas mon sujet)

        « Je reviendrai dans un prochain billet sur ce que j’imagine comme mouvements sociaux du futur. »
        J’ai hâte de lire ça 🙂
        (ceci peut sonner comme un sarcasme, ce n’en est pas un ^^)

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        • 26 mai 2016 à 11 h 03 min
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          Que nos positions politiques de base soient éloignées, je n’en suis pas convaincu: je me situe au centre, au dessus du débat « gauche/droite ». J’estime qu’il y a des bonnes idées dans chaque camp comme des bien pourries. Les mouvements de grève et de blocage des travailleurs rentre dans cette deuxième catégorie pour moi. Je crois en la paix apportée par l’ouverture des marchés, mais pas du tout en cette main invisible qui les régulerait, je me sens proche des idées de Stigliz et sa conception du prix des inégalités, tout comme je crois en l’entrepreunariat, en la baisse des charges sociales, de la TVA et en une redistribution des richesses plus efficaces. Sinon, chacun ses spécialités, je finis mon master en sciences-po en août, j’ai effectivement des cartes en main.

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  • 26 mai 2016 à 18 h 25 min
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    Monsieur,
    Je vous félicite pour vos différents billets et surtout pour le flegme et le respect avec lequel vous les écrivez. Je suis heureux de voir que je ne suis pas le seul à penser de cette manière.
    Merci d’oser publier cela… et si un jour vous vous présentez aux élections, je voterai pour vous, les yeux fermés (si vous gardez ces mêmes idées).

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    • 26 mai 2016 à 19 h 20 min
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      Merci pour votre mot. J’ai envie de dire, ne votez jamais les yeux fermés, mais comme la condition serait que je garde les mêmes idées…Je constate que vous restez bien vigilant. Plus sérieusement, je pense que malgré le ton volontairement piquant que je peux utiliser, il est important de garder le dialogue et le respect. C’est ainsi que nous pouvons refaire le monde, même depuis derrière un écran.

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  • 26 mai 2016 à 20 h 37 min
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    Encore un qui n’a rien suivi et rien compris… Quel dommage de prendre la plume de protestation antigréviste au vol sans avoir suivi et compris les événements…
    Ceci dit litterairement bien écrit 😉

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    • 26 mai 2016 à 20 h 55 min
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      Je pensais pourtant avoir suivi. Justement, mes questions sont à propos des revendications: je ne les comprends pas. Surtout, je ne vois pas à quoi cela sert d’empêcher les travailleurs et les usagers des trains de se déplacer. Je prends souvent cet exemple: nous sommes tous d’accord, aussi bien les usagers que le personnel de la SNCB qu’il faut améliorer la qualité, l’offre, le tout en sécurité. Et bien, les syndicats ont réussi à se mettre les usagers à dos alors que tout le monde est d’accord. Ils sont incapables de trouver des solutions qui permettraient de faire, comme le veut l’expression, front commun.

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